[ILS ONT]
Empruntant chaque fois le costume de la dissidence, les candidats et les élus de Montpellier ont bien brillé dans leur campagne : ils nous en ont clamé du « désir de bousculer l’histoire », du « refus du clivage droite/gauche », de la « ville verte », de la « liste citoyenne ». Mais le spectateur est déçu, le même sketch poussiéreux se joue en boucle depuis un siècle. On aimerait baisser le rideau.
En dézoomant les photos de leurs tracts ou des magazines de leur vi(ll)e, sur lesquels sans arrêt, ils apparaissent en gros plan, on constate qu’ils sont bien seuls. Enfin, seuls… mais entre eux, feignant l’affrontement en public, tandis qu’en coulisse, on se livre à une éternelle cousinade.
La pièce n’est pas encore écrite que déjà les premiers rôles sont distribués, et le casting, immanquablement, est sans surprise. Quand la chair est Frêche, les idées, elles, sont défraîchies.
Ils promettent l’alternative mais ne font guère mieux que d’emprunter la contre-allée de la route qui les mène toujours au même point.
Surplombant la ville depuis leurs bureaux perchés dans des quartiers toujours plus futuristes, on s’étonne de constater à quel point ils manquent de vision.
Sont-ils à ce point aveuglés par les lumières des projecteurs qu’ils ne discernent plus les urgences qui nous guettent ? Quand on voit leur façon de traiter la question écologique, on peut légitimement le penser. S’ils maquillent en vert leurs tracts de campagne, c’est pour mieux recouvrir ensuite la ville d’un gris béton, renvoyant l’écologie, ou du moins ce qu’ils en comprennent, à un énième marché.
L’urbanisme montpelliérain, c’est le grand éparpillement. La génération de l’appel d’offres fait de bien tristes dégâts : de constructions inutiles en quartiers vides de vie, de centres commerciaux tapageurs en gare sans voyageurs. Nous aurions tort de nous inquiéter peut-être ? Ils nous le rappellent régulièrement, brandissant leurs « experts », leurs urbanistes assermentés, leurs copains à qui ils ont fait des promesses, bref, une bonne équipe de metteurs en scène, modelant la ville à leur image, si éloignée de nos usages.
Ils disent aimer leur ville, vantent la diversité de ses habitants, mais c’est le prix du mètre carré qui dicte où habiter : les pauvres sont relégués aux extrémités, les classes moyennes surendettées. Promoteurs, applaudissez !
Ils nous en ont pourtant vendu du « vivre-ensemble », mais ce joli mot marketing masque difficilement la réalité d’une ségrégation spatiale toujours plus marquée. Quelles qu’aient été leurs paroles en campagne, ils n’ont jamais porté l’ambition dans les actes d’affaiblir les effets du capitalisme, qui comme partout ailleurs est le système qui méprise la proximité, provoque les inégalités et rompt les solidarités.
Et si on n’en a pas eu assez du spectacle qu’ils nous offrent, il nous reste les « conseils de quartier », où l’on peut aller débattre librement, pendant 10 minutes, sur de grands projets pourtant déjà validés mais trop rarement évalués. L’électeur repart chez lui, « ravi » d’avoir contribué à ce grand moment de « démocratie participative », désillusionné du bulletin qu’il a déposé dans l’urne.
Il ne suffit pas de se proclamer liste citoyenne pour en être une.
Dépossédé de notre citoyenneté, à force de mépris et d’infantilisation, nous serions condamnés à être les spectateurs résignés d’une pièce dont nous avons pourtant le premier rôle.