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Montpellier, 7ème ville de France, compte près de 28 000 personnes en situation de handicap, soit environ 10% de la population (moyenne nationale). Si la crise sanitaire et ses corollaires sont difficiles à vivre au quotidien pour nos concitoyens, qu’en est-il des personnes en situation de handicap : en logement autonome, résidents des FAM (Foyer d’Accueil Médicalisé), des MAS (Maison d’Accueil Spécialisée), salariés des ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail)… ou majeurs protégés (personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique comme la tutelle ou la curatelle). Les professionnels du secteur sont unanimes pour tirer la sonnette d’alarme. L’hétérogénéité du handicap oblige à un exercice d’équilibriste sans les moyens adéquats pour y faire face.

L’inquiétude première va pour les personnes handicapées qui sont à leurs domiciles. Beaucoup de choses sont pensées pour les structures collectives des secteurs sanitaires et médico-sociaux mais la situation est beaucoup plus tendue, inquiétante pour les particuliers.
Les publics déjà fragilisés par un handicap, une pathologie psychique ou des difficultés cognitives le sont davantage du fait de la crise: l’isolement, la rupture de certains rituels quotidiens peuvent être très mal vécus, d’autant plus que les choses changent chaque jour. Beaucoup peinent à comprendre la situation et à saisir les enjeux du confinement. L’attestation de déplacement dérogatoire a été une première contrainte pour une population victime de fracture numérique. Comment se fournir cette attestation sans ordinateur, sans imprimante ? Comment la remplir quand on est atteint d’une déficience intellectuelle et qu’on ne comprend pas ce qui est écrit ? Comment respecter la contrainte du confinement quand le quotidien était jusque-là rythmé par des temps précis comme les injections afin d’éviter les ruptures de soins, les rdv thérapeutiques… ? Ce sont les professionnels du secteurs qui très vite ont adapté cette attestation en mode FALC, Facile A Lire et à Comprendre, avec des pictogrammes pour chaque situation. Ce n’est que depuis début avril que cette attestation n’est plus nécessaire, à titre exceptionnel, pour les personnes aveugles ou malvoyantes, sous condition de présenter une carte d’invalidité ou un document justifiant d’un tel handicap. Mais malgré la réactivité des professionnels, nombre de personnes handicapées se déplacent sans cette attestation et cumulent ainsi les pv. Malgré les injonctions du ministère demandant une indulgence en la matière, beaucoup sont verbalisés, aggravant ainsi une situation financière déjà très précaire. Il faut savoir que 90% d’entre eux ne sont bénéficiaires que de l’AAH, l’Allocation Adulte Handicapé, d’un montant de 900€. Comment expliquer à l’autorité policière qu’on est handicapé quand bien même on n’est pas en fauteuil roulant ou autre handicap visible ? En cas de décompensation, ces personnes peuvent avoir des réactions inappropriées face aux forces de l’ordre, ce qui ne simplifie pas les choses.
Pour les majeurs protégés, les SPM, Services A la Protection des Majeurs, ont su s’adapter pour minimiser au maximum les dommages collatéraux : préserver les salariés tout en maintenant une continuité de service. Ce soutien passe, notamment, par des appels téléphoniques quotidiens afin de rassurer les majeurs protégés, de détecter des facteurs de fragilité par rapport à la rupture des soins, des biens de première nécessité. Il a fallu parer à la fermeture des banques et donc à la gestion de l’argent : sauf aménagement, un majeur protégé ne possède pas de carte de paiement mais seulement une carte de retrait : donc quid de tous ceux qui n’en possèdent pas ? Quid des achats en liquide quand certains commerçants refusent ce mode de paiement par peur de contamination ? A Montpellier, les banques postales sont fermées quand d’autres banques comme la Caisse d’Épargne n’ouvrent leurs guichets que le matin. La remise d’argent liquide se fait soit au sein même des SPM, multipliant ainsi les sorties ou à domicile par un mandataire présent ou le chef de service. Certaines structures ont remis en place le système des bons d’achat chez des commerçants partenaires. La situation est aggravée par le fait que la plupart des interventions à domicile ont été interrompues ou réduites à l’essentiel et seulement pour les plus dépendants (repas, toilettes et soins).

Quant aux établissements médico sociaux, type FAM ou MAS, les « parents oubliés de cette crise sanitaire » pour reprendre les termes de Luc Gateau, président de l’UNAPEI, ils compensent tant bien que mal les conséquences du confinement sur leurs pensionnaires, à la santé souvent fragile. Le gouvernement a poussé les établissements à prendre des mesures de précaution, à l’instar des EHPAD : outre les mesures d’hygiène et de distanciation recommandées, il a été demandé aux FAM et aux MAS de mettre en place « la suspension intégrale des visites de personnes extérieures sauf cas exceptionnel comme pour des personnes dont la visite de la famille est nécessaire à leur santé physique et psychique ». Plus aucun intervenant extérieur ne pénètre dans les locaux. Finies les sorties également. Plus de thé dansant, d’équithérapie ou encore de promenade en ville. Les résidents vivent doublement confinés, chacun dans leur pôle, voire dans leur chambre. Le rythme soutenu des activités donnait un cadre rassurant aux résidents et permettait de gérer les éventuels troubles du comportement. Certains comprennent ce qu’il se passe et se mettent à stresser, rendant les autres locataires anxieux. Ceux qui ne comprennent pas sont effrayés par le personnel masqué et ganté. Car, petit à petit, les gestes barrières s’imposent, la distanciation entre résidents s’installe, le petit-déjeuner est désormais servi dans les chambres. Pour les résidents souffrant de troubles autistiques, il est difficile de leur faire comprendre que les gestes d’affection « c’est fini pour un temps ». Les équipes cherchent continuellement un compromis entre les injonctions de l’agence régionale de santé et la stabilité des résidents. A Montpellier, qui compte 8 FAM et 5 MAS, dont les résidents ont besoin de se raccrocher quotidiennement à une routine rassurante, certaines structures ont décidé de maintenir du lien social, comme au FAM les Fontaines d’O où toutes les activités ont été repensées pour respecter les mesures barrière tout en maintenant un quotidien rythmé et rassurant. Par ailleurs, les sorties étant interdites, les majeurs protégés résidents qui avaient pour habitude de venir au SPM chercher leur argent pour des achats divers, ne peuvent plus se déplacer. Ainsi, c’est l’établissement qui fait ces achats et avance les frais puis envoie la facture au mandataire judiciaire qui gère la mesure.

Et pour les travailleurs handicapés des ESAT, aucune exception, ils sont tous confinés. D’ailleurs tous ces établissements sont fermés à l’exception des ateliers essentiels au bon fonctionnement de la société, comme les blanchisseries industrielles qui lavent notamment les draps des hôpitaux, les vêtements des résidents des EHPAD, des FAM…, sans plus aucun travailleur handicapé. « Mettre nos usagers en sécurité » tout en maintenant l’activité a été la nouvelle donne. A Montpellier, certaines structures comme l’APSH34 qui gèrent des blanchisseries, ont fait appel à leurs salariés bénévoles, moniteurs, éducateurs, secrétaires administratives, agents d’accueil…Tout en maintenant l’activité et en gérant les « nouveaux travailleurs qu’il faut former rapidement », les responsables d’atelier appellent quotidiennement les salariés handicapés afin de s’enquérir de leur état, de leur moral…et beaucoup se voient retourner les mêmes questions tant les rapports affectifs sont grands entre les cadres et les salariés !

Vous souhaitez aider les associations qui soutiennent les personnes en situation de handicap ? Trouver des ressources pour aider vos proches ? Rendez-vous sur les plateformes :
https://lesoublies.apf-francehandicap.org/
https://unisetsolidaires.unapei.org/

Article publié le : 29 avril 2020