La série documentaire “Montpellier Héros”, actuellement diffusée sur Canal+ , le montre admirablement : si l’on aime le MHSC, c’est avant tout pour son côté familial. Dans un milieu dominé par les calculs de rentabilité et les montants insensés des transferts de joueurs, Montpellier cultive sa différence, depuis la division d’honneur en 1974 jusqu’à la prestigieuse Ligue des Champions en 2012. Le MHSC est toujours resté proche de ses supporters : ici c’est la Paillade, et l’histoire s’écrit au coin de la rue. Plus pour longtemps peut-être…
Le Club est à un tournant. Après plusieurs saisons à frôler les places européennes, sans pouvoir garder ses meilleurs joueurs d’une année sur l’autre, la frustration s’installe côté sportif. Économiquement, la situation inquiète : le fiasco Mediapro et les pertes liées à la crise Covid ont mis à mal une structure jusque-là louée pour son modèle bien plus vertueux que les autres écuries de Ligue 1, dopées aux capitaux étrangers.
Pour résoudre ce double défi – sportif et économique – un projet est aujourd’hui présenté comme la solution miracle : le nouveau stade “Louis Nicollin” à Pérols. L’objectif de cette infrastructure, propriété du Club, est de diversifier les recettes financières via une expérience supporter complète : restaurants, musée (la collection sportive privée de Louis Nicollin)… Les commerces vivront en dehors des jours de matchs, générant une activité économique continue. Comme Lyon et son Groupama Stadium ou Nice et son Allianz Riviera, la famille du MHSC veut entrer dans la cour des grands.
Ironie de l’histoire, si le futur Stade sera normalement entièrement payé par le MHSC et ses partenaires privés, le quartier où il sera implanté bénéficiera d’investissements publics conséquents : voirie, transports, réseaux etc. Ces mêmes investissements que la Ville et la Métropole rechignent à faire à la Paillade… Le mythique Stade de la Mosson souffre effectivement de sous-investissement : des travaux ont été réalisés pour le Mondial 98, des réparations suite aux inondations, puis… plus rien. Aujourd’hui l’accueil des supporters n’y est plus digne de la première ville sportive de France, et l’affluence y est faible.
Mais rien n’est inéluctable : il est possible de réfléchir à une autre voie qui correspondait beaucoup plus à l’esprit Paillade qu’un nouveau stade bling-bling en dehors de la Ville. Quelques pistes : utiliser les crédits du renouvellement urbain (ANRU) pour requalifier la zone autour du stade; rénover et moderniser les tribunes, les abords, les zones d’accueil ; sécuriser les infrastructures vis à vis du risque inondation; mieux valoriser les atouts naturels du site comme les berges de la Mosson; proposer des alternatives efficaces à la voiture individuelle pour éviter les embouteillages (covoiturage, navette inclue dans le prix de la place…) tout en profitant des importants réseaux de transports en commun (2 terminus de trams, 9 bus, proximité de l’A750); associer les habitants, supporters, collectifs et commerçants pour qu’ils contribuent, eux aussi, à la convivialité de leur quartier. Oui, c’est possible : Strasbourg l’a fait avec le stade historique de la Meinau !
Aujourd’hui, nous sommes inquiets pour le Montpellier Hérault car le pari est risqué. Il n’y a qu’à voir l’impasse du Matmut Atlantique à Bordeaux, échec à la fois sportif, écologique, et économique. À Pérols, l’esprit Paillade perdurera-t-il ? Quid du prix des places, de l’accessibilité, de l’ambiance ?
Un Club, une famille, un quartier: c’est le triptyque qui a fait la fierté et la singularité du MHSC en France et en Europe. Pourquoi ne pas offrir à la Paillade une nouvelle chance de développement, plutôt que de la priver du dernier grand équipement public structurant ?