L’alimentation est une préoccupation de la vie quotidienne de plus en plus forte. Obésité, pesticides, excès de sucre, de sel, produits ultra-transformés, origine des produits et conditions de travail et de rémunération des producteurs sont autant de sujets qui préoccupent les « mangeurs » et les « mangeuses », et en particulier les parents de jeunes enfants.
Urgence démocratique
Aujourd’hui, notre alimentation est majoritairement aux mains de firmes agro-industrielles mondialisées, qui, du champ à l’assiette, ne nous laissent qu’un triste choix : brevetage du vivant, déforestation, pollutions, perte massive de biodiversité, destruction de l’emploi agricole, concentration du commerce par la grande distribution, pesticides, perturbateurs endocriniens, excès de sucre, gaspillage massif… Ce système alimentaire agro-industriel est largement soutenu par des politiques agricoles nationale et européenne dont nous ne voulons plus, mais sur lesquelles nous avons très peu de prise. Il est grand temps de reprendre en main notre alimentation de façon plus démocratique. Investir l’échelon municipal est un puissant levier de réappropriation politique de l’alimentation. Partout, des alternatives ont fait leurs preuves. Elles n’attendent que le soutien de politiques publiques courageuses pour s’adresser au plus grand nombre.
Par ailleurs, l’alimentation a été déclarée « grande cause régionale 2018/2019 » par la Région Occitanie.1 Cette orientation s’est basée sur une grande consultation citoyenne inédite, de laquelle ont émergé les enjeux futurs pour une alimentation saine et durable.
Que constatons-nous à Montpellier ?
Nous pourrions nous réjouir que Montpellier soit placée à l’avant-garde mondiale des villes pour l’alimentation durable si le bilan n’était pas si triste. Beaucoup de communication, mais peu d’action. Comment faire de la « Politique Agro-écologique et Alimentaire » un véritable moteur de transformation sans lui en donner les moyens ? Trop peu de ressources humaines, de budget et de volonté politique, malgré une communication politique de plusieurs centaines de milliers d’euros. Le dernier mandat municipal présente inévitablement un bilan contestable: des résultats quasi nuls sur l’installation d’un réseau de fermes agro-écologiques, entre 7% et 20% de bio dans les cantines scolaires seulement et un service à bout de souffle, un projet de cuisine centrale, qui tel qu’il est envisagé actuellement ne peut en aucun cas permettre une restauration collective de qualité, échec des ambitions en terme de foncier agricole, peu d’accès aux filières de qualité, particulièrement dans les quartiers éloignés du centre-ville, les citoyens et la société civile écartés des décisions politiques, etc… Un bilan qui renforce une fois de plus le sentiment des habitants et des habitantes d’être dupées par une classe politique opportuniste, pour qui l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous n’est pas une priorité.
Urgence écologique
L’alimentation durable est un enjeu écologique majeur. Le système alimentaire agro-industriel dont nous dépendons est responsable d’un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre. Elle est aussi en grande partie responsable de la sixième extinction de masse des espèces vivantes, y compris de l’effondrement des abeilles, des insectes en général et de la microfaune du sol, sans lesquels aucune vie n’est possible.
Urgence sociale
Les inégalités d’accès à la santé par l’alimentation de qualité sont très marquées. Or, 70% des français aspirent à une alimentation de meilleure qualité (bio/local)2. Avec 26% de taux de pauvreté selon l’INSEE3, notre ville est particulièrement touchée : quand le budget est serré, une fois toutes les factures fixes payées, c’est la qualité et la quantité de la nourriture qui sont directement impactées. Les ménages les plus modestes sont alors les plus exposés aux maladies liées à la malnutrition : maladies cardio-vasculaires (première cause de mortalité en France), obésité, diabète, explosion des cancers et autres maladies chroniques…
Pour un foyer moyen, manger de façon écologique, local et solidaire reste largement inaccessible, même pour ceux qui le souhaitent. Ici encore, les grandes surfaces entretiennent le mythe d’un système qui serait le seul à pouvoir proposer du bio accessible. Pour les plus modestes, la seule réponse de l’action sociale est le recours à l’aide alimentaire. Or, l’aide alimentaire ne permet ni l’accès à des produits frais et de qualité ni la possibilité de choisir en toute dignité.
Le système alimentaire fait travailler des milliers de personnes dans des conditions et avec des rémunérations inacceptables : agricultrices et agriculteurs, ouvrier·es agricoles immigré·es, employé·es dans les chaînes des industries alimentaires, caissier·es de supermarchés, livreurs et livreuses à vélo de plats cuisinés, éboueurs et éboueuses, etc. sont sur-exploité·es ou se sur-exploitent dans les nouvelles formes d’auto-entreprenariat.
Nous refusons cette mainmise de l’agro-industrie sur notre alimentation et notre imaginaire, tout comme nous refusons l’opportunisme politique local dont nous, habitants, citoyens, sommes victimes sur cet enjeu crucial.